Méconnue au Québec, la maison de champagne Canard-Duchêne est pourtant très populaire en France. La SAQ offre actuellement la cuvée Léonie, sélectionnée récemment dans mon Top 22 pour 2022.
Quelques mots sur l’histoire de cette marque avant de présenter sa cuvée de prestige nommée V, récemment lancée sur les marchés.
C’est grâce au mariage de Victor Canard, issu d’une famille de tonneliers, et de Léonie Duchêne, dont les parents élaboraient du vin grâce aux vignes familiales, que la marque Canard-Duchêne est créée en 1868, dans le petit village de Ludes, situé sur la Montagne de Reims.
Leur fils Edmond va assurer la renommée internationale de la maison en obtenant un marché prestigieux, celui de la cour impériale russe. L’aigle à deux têtes, emblème de la famille du tsar nicolas II qui décore les étiquettes des bouteilles, est un hommage à cet ancien client.
En 1968, la cuvée Charles VII est lancée pour fêter le centenaire de la maison.
Dix ans plus tard, Canard-Duchêne s’associe à Veuve Clicquot-Ponsardin, puis à Louis Vuitton-Moët-Hennessy. La marque est alors bien distribuée dans l’hexagone, mais elle souffre finalement d’une image folklorique, et la qualité s’en trouve affectée.
Fin 2003, Alain Thiénot incorpore Canard-Duchêne aux autres marques de son groupe.
Laurent Fédou, chef de cave, prend alors en charge l’élaboration des vins : un lent travail de renouveau qualitatif s’amorce… Les résultats sont particulièrement palpables depuis une décennie.
Champagne Canard-Duchêne – Vintage 2012 – Brut Nature (Dégorgement avril 2021) – IP (éventuelle) au Québec auprès de l’agence Philippe Dandurand / autour de 60 euros en Europe
Lancée avec le millésime 2010 en magnum (pour fêter le 150 ème anniversaire de la maison), ce dernier est un assemblage de chardonnay, de pinot noir et de pinot meunier.
Pour le millésime 2012, la priorité a été donnée aux cépages noirs.
La cuvée V 2012 ( V pour Victor Canard) est donc un pur pinot non dosé (70% pinot noir et 30% pinot meunier), composé de 19 crus dont 40% de Grands crus et 20% de Premiers crus (Aÿ, Bouzy, Chigny, Ludes, Taissy, Mailly).
La bouteille dégustée en janvier 2022 a été dégorgée en avril 2021, elle a bénéficié de 8 grosses années sur lattes et en cave; on s’attend logiquement à un nez pâtissier et à un comportement enveloppant à sa dégustation.
Toutefois, ce dégorgement récent exacerbe davantage le fruité naturel plutôt que le fruité d’élevage : cerises et prunes tiennent la dragée haute aux accents de kouglof et de pain au lait grillé, certes exhalés après plusieurs minutes dans le verre.
On est dans l’univers du grand vin blanc de table qui se doit de respirer pour mieux s’offrir.
Les bulles, affinées par le temps qui a passé, participent à la dimension champenoise, celle de la fraîcheur et de la tension alcaline. Le dosage inexistant rigidifie un peu l’attaque en bouche, c’est lui qui soutiendra et offrira l’énergie latente du vin dans quelques années.
Cette cuvée V 2012 a actuellement le calibre d’un grand Chablis qui serait issu d’une année chaude, elle est à la fois solide et pointue, plus « agrumique » (vive les néologismes) que saline; le style est plus gothique classique que gothique flamboyant.
Idéale dans tous les cas avec un fromage de cave de type tomme (Parmigiano, Beaufort, Louis d’or, Hercule de Charlevoix, etc).
Avis à celles et ceux qui ont un cellier de garde ou une cave : c’est une adolescente, elle devrait s’exprimer à pleine maturité à partir de 2030…