On trouve des traces de vignes exploitées dans les Flandres (Belge et Française) et dans le nord de la France dès le Moyen-âge, toutefois, elles n’étaient pas plantées dans le charbon, et encore moins sur un terril !
Pourtant, c’est l’aventure extraordinaire que la ville d’Haillicourt (près de Béthune, dans le Pas-de-Calais en France), trois vignerons (Olivier Pucek, Henri Jammet et Arnauld Daudier de Cassini) et quelques actionnaires poursuivent depuis bientôt douze ans.
Et si la vendange 2021 s’annonce très modeste en production en raison des gelées printanières qui ont frappé la vigne de chardonnay, elle sonne tout de même la dixième récolte : du chardonnay qui donne donc du charBonnay, jeu de mot pour le nom de l’unique cuvée, issue aujourd’hui de 3000 pieds de vignes, progressivement atteints avec les années.
Ce vin blanc du pays noir participe à la reconversion du paysage minier local. D’autres terrils ont même été recouverts de pistes synthétiques pour faire du ski ou changés en parcs à randonnée pédestre puisque la végétation avait regagné ses droits.
Les terrils ont chapeauté pendant près de deux siècles l’horizon du plat pays qu’à chanté Jacques Brel; puis dans les années 1970, ils ont été abandonnés par étapes, le charbon n’étant plus une source d’énergie « écologique et moderne »…
Le schiste et les grès carbonifères (bref, le charbon) constituent le terril de la fosse 2 Bis d’Haillicourt (c’est son nom administratif).
Il forme un cône tronqué de 115 mètres de haut dont l’un des flancs, axé évidemment vers le sud – sud/est pour une meilleure exposition des vignes, est devenu un vignoble en terrasses, construites sur une inclinaison de 80 % !
Les marches de l’escalier qui montent au sommet, ont été créées avec les traverses de bois du chemin de fer qui, autrefois, accueillait les wagons miniers.
Et parce que les mineurs d’alors jetaient ça et là les restes fruitiers de leurs repas, la base du terril présente aujourd’hui des arbres, des plantes ou des fleurs sauvages qu’une trentaine de chèvres débroussaillent à l’année longue.
Gérard Foucault, maire d’Haillicourt peut être fier de son équipe municipale, des vignerons et des investisseurs, car s’ils « ont été pris pour des rigolos », comme il le dit, cette originalité sert aussi les recherches viticoles mises en place par l’INAO.
Une autre singularité : les fûts qui veillent à la fermentation partielle du vin et à son élevage d’environ 12 mois, selon les millésimes, sont dans la cave du presbytère de la ville, qui date du 17ème siècle !
Au bout du compte, certes peu élevé des 400 à 800 bouteilles produites selon la qualité des millésimes et vendues autour de 45 euros l’unité, le vin est bon. C’est bien là l’essentiel !
Pour le millésime 2017, dégusté en 2021, il présente un nez très expressif qui rappelle le pop-corn beurré et les épices indiennes.
Le fruité est bien là, plus jaune que vert, axé sur les mirabelles et les pommes très mûres, voire compotées. La texture est grasse, elle gomme quelque peu la tension qu’on imaginait pointue avant la dégustation (étant donné le sol et la latitude des lieux). Toutefois, l’identité du chardonnay est nette.
L’ensemble apparaît incroyablement mûr et chaleureux pour un vin « nordique », même si la fraîcheur est palpable dans l’enveloppe. Dans une dégustation « à l’aveugle », on serait tenté de pointer un vin blanc du Mâconnais à l’élevage sous bois appuyé.
Finalement, pour un « vin de terril » qui a pu faire sourire les plus dubitatifs, on déguste un vin sérieusement établi… comme ses élaborateurs.