Martinotti et Charmat : pourquoi deux noms pour une seule méthode d’élaboration qui aurait pu s’appeler, aussi, Mauméné ?

Né en 1860, Federico Martinotti était pharmacien et chimiste de formation, diplômé de l’Université de Turin à l’âge de 27 ans. Avant d’être nommé Directeur de l’Institut expérimental d’oenologie d’Asti en 1900 où il mena ses travaux sur l’autoclave vinique, il fut Directeur de l’Observatoire agricole de Turin jusqu’à son décès en 1924.

C’est dans les années 1890 qu’il expérimente une façon d’obtenir du vin effervescent dans des cuves et qu’il met au point la refermentation en cuves closes (celles-ci étaient alors en bois).

Contrairement à ce qui est souvent véhiculé sur le fait qu’il n’a pas déposé de brevet et dont a profité le Français Eugène Charmat 2 décennies plus tard, Federico Martinotti a déposé un brevet en Italie le 12 juillet 1895 (Brevet CH-10711 / Installation pour la fabrication continue des vins mousseux). Toutefois, même si le nom de ce brevet parle d’installation, il n’avance pas précisément l’équipement nécessaire, mais mentionne seulement le principe de la méthode. Et c’est sur ce point que le Français sera davantage reconnu au plan international.

Federico Martinotti fait partie du quatuor italien oenologique qu’on surnomme les  « 4 mousquetaires DOC » avec Edoardo Ottavi, Paolo Desana et Arturo Marescalchi.

Francesco Adami, chef de cave de la maison Bellussi en Vénétie explique ici, dans une vidéo, la méthode Charmat / Martinotti : https://vimeo.com/113727130

Si l’on emploie plus généralement aujourd’hui le terme Charmat pour signifier la seconde fermentation en cuve close, c’est qu’Eugène Charmat, ingénieur agronome à l’Université de Montpellier, améliora le principe du professeur italien à partir de 1907 en équipant la base des cuves d’une hélice, permettant le remontage des levures, donc une meilleure stabilité, voire une meilleure endurance de l’effervescence. Et surtout, il déposa l’équipement pour assurer sa méthode, tandis le premier avait déposé le principe de la méthode.

Eugène Charmat déposa son brevet au Royaume-Uni le 29 janvier 1909 qui fut applicable à partir du 31 janvier 1910 (GB190902202A, Improved Fermentation Clarification and Drawing Off Apparatus for Effervescing Liquids under Constant Gas Pressure avec la spécification 7734/08 du 7 avril 1908).
Véhiculé dans la langue de Shakespeare, déjà influente, son travail en fut davantage loué.
Par ailleurs, il fut aussi l’un des fondateurs de la Compagnie Française des Grands Vins (CFGV) en 1909, ce qui atteste qu’il avait la fibre commerciale plus développée que son aîné…

Enfin, son fils Robert Charmat sera le meilleur ambassadeur de cette méthode puisqu’il créera plusieurs marques de vin mousseux issus de la méthode dite Charmat dont Veuve du Vernay (Patriarche).

Son petit-fils Philippe Charmat est un caviste reconnu dans le 16ème arrondissement de Paris depuis les années 1990.

Je rappelle quand même ici que le chimiste Edme-Jules Maumené (1818-1898) avait déjà travaillé à Reims, avec la collaboration du négociant en vins Louis Brunet Jaunay, à la fermentation du vin en cuve, en vue de maîtriser l’effervescence, dès 1852.

Son « Aphrophore » (ou porte-mousse) avait d’abord été pensé en vue d’éviter l’éclatement des bouteilles. C’était un cylindre de cuivre d’une hauteur de 4 mètres avec des parois internes argentées (procédé Christofle) qui pouvait contenir l’équivalence de 3500 bouteilles. Il comportait déjà un couvercle supérieur et un hublot en verre à sa base afin d’observer le dépôt et l’état du vin en devenir. Conscient que la température avait un rôle primordial dans la transformation du moût, il l’avait fait monter sur un châssis permettant son déplacement au moyen d’une grue.

Collaborant avec la famille Mumm, son travail entraîna même, un certain temps, un débat pour que cette méthode devienne celle du champagne !

S’inspirant lui-même des travaux de Nicolas Appert (1749-1841) sur la conservation des aliments (Appertisation) et de ceux de son contemporain Louis Pasteur (1822-1895), il aurait donc pu donner son nom à la méthode de la cuve close…

Retenons qu’on doit finalement la maîtrise de l’élaboration de bulles en cuve à la succession et à l’addition des talents de tous ces observateurs, ingénieurs, agronomes ou chimistes, surtout inventeurs de génie.

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