Sans internet, ils n’existeraient pas. Et avant internet, ils existaient peu, ils n’avaient pas de crédibilité, certains ne connaissaient ni le vin, ni la gastronomie. La plupart ne travaillaient pas dans le vin ou la gastronomie, et la majorité ne travaille toujours pas dans ce milieu. Qui ça ? Les influenceurs (-ceuses). Leur force ? Le culot et l’ambition. Leur faiblesse ? Le culot et l’ambition.
Aujourd’hui, leur crédibilité est validée par leurs "selfies" et le nombre de "likes" sur leurs publications. Ils ne vantent pas leur pertinence lorsque vous les croisez, ils vantent leurs "likes"; qu’ils peuvent acheter, puis monnayer, pour pouvoir se faire de nouveau inviter dans les dégustations, les soirées, les évènements ou mieux, pour négocier un voyage, tous frais payés !
Le but est de se montrer. Et de montrer qu’on vous a regardé, qu’on vous a "liké" !
Car il n’est pas utile d’être compétent pour être influenceur (-ceuse).
Il suffit d’être au bon endroit, au bon moment, et de le faire savoir. Et parfois, de copier/coller !
Et si vous postez un selfie avec une personnalité, souvent plus gênée qu’enjouée d’avoir été alpaguée, vous devenez l’influenceur (-ceuse) du moment, de la semaine, du mois, de l’année.
L’influenceur des influenceurs, ouah !
A vrai dire, tout cela ne me dérange pas.
Notre société vit à travers les petits écrans qui donnent l’illusion à ceux qui en abusent qu’ils ont la reconnaissance d’un public, même s’ils ne le connaissent pas, ce public.
Ces petits écrans miroirs font du bien à l’égo; on se sent suivi, aimé, reconnu, voire désiré.
Ils sont devenus essentiels pour nos ados qui traversent justement une période où tout doit se rapporter à leur égo.
Les parents, les adultes, comprennent cette période, ils la subissent, ils en rient, ils laissent le temps faire son oeuvre.
La vie est ainsi.
Cependant, les réseaux sociaux confirment un état d’esprit, propre à ce début de siècle : l’état "adulescent".
Un adulte à l’esprit adolescent.
Y en aurait-il beaucoup chez les influenceurs (-ceuses) du vin et de la gastronomie ?
Ils n’affichent pas l’étiquette du vin, le verre de vin, la bouteille ou le vigneron.
Ils s’affichent avec l’étiquette du vin, le verre de vin, la bouteille ou le vigneron.
Et bien sûr, leur visage ou leur silhouette est bien plus visible que le produit montré.
Tout cela n’est que formel. Tout est dans la façade.
À une époque où le poids des mots est occulté par le choc des photos, c’est bien normal.
Que Paris-Match se le tienne pour dit !
Les réseaux sociaux sont des flatteurs d’égo et depuis qu’ils existent, on accepte ces manifestations, souvent pathétiques, qui illustrent une société en manque d’amour et, paradoxalement, en manque de communication.
Parce que j’entends souvent l’influenceur (-ceuse) se défendre, en me répondant qu’il communique, qu’il donne son opinion, lorsque je lui manifeste mon avis au sujet de ses likes vantards.
La preuve, me répond t-il, qu’il communique : ses milliers de "followeurs" attendent son opinion. Ses followeurs spontanés et… achetés.
Et pour mieux se justifier, il affiche aussi tous les "Award" qu’il a reçus, tous les pseudo diplômes accrédités seulement par l’entreprise qui les donne ! Et parfois, cette entreprise n’est que virtuelle, elle n’existe que sur internet ! Ben oui, autant s’auto-congratuler entre nous !
Peut-on s’entendre sur le fait que balancer 50 fois la même photo de soi-même, habillé ou en déshabillé, avec un steak frites, un verre de vin, une crème de jour ou un sac à main, debout, assis ou à quatre pattes, n’est plus une transmission d’information, mais bel et bien une transmission de sa névropathie. Presque un appel au secours…
L’influenceur (-ceuse) ne cherche que la reconnaissance d’autrui, aussi éloigné et inconnu, soit-il. Il pense communiquer, mais il communique avec son miroir, ses selfies. C’est plus rassurant. Et ça fait tellement du bien de compter les "likes" qui apparaissent. C’est le prozac du 21 ème siècle !
Je vous assure, tout cela ne me dérange pas. Non, ce n’est pas cela qui me dérange.
Ce qui me dérange aujourd’hui avec eux, c’est l’absence d’humilité et le désir de plaire à tout prix !
Au prix de dégrader leur propre image, sans même sans rendre compte.
Parce qu’il y en a des honnêtes et des compétents, des influenceurs (-ceuses). Mais ils sont devenus minoritaires.
Et cette minorité n’ose pas dénoncer la majorité. Elle est obligée de suivre, voire de subir les excès de cette dernière. La solidarité est un principe chez l’influenceur (-ceuse). Plaire à n’importe quel prix.
Au prix, par exemple, de dégrader le vin qu’il montre, sans même que le vigneron ou son représentant ne s’en rende compte.
Comment ?
Par le plus vieux procédé du monde que l’homme ou la femme connaisse.
En dévoilant sa plastique, en affichant ses courbes !
Le produit est devenu une excuse pour s’afficher de quelque bonne ou mauvaise manière que ce soit et surtout, coûte que coûte ! Glissez les bidous par ici…
Oui, je sais, certains lecteurs vont me répondre : "tu le fais aussi, on te voit avec tes bouteilles dans tes voyages, entouré de vignerons ou d’autres journalistes privilégiés".
En effet, je le fais aussi. Je me suis adapté. J’ai évolué avec mon temps. Un temps passablement bousculé, soit dit en passant, dans les métiers de l’information.
Et j’en suis plutôt fier parce que je suis issu de cette génération, née sous De Gaulle, qui a commencé au stylo ! Même pas à la machine à écrire ! J’ai touché mon premier clavier d’ordinateur à 25 ans ! Vous imaginez donc le grand écart d’adaptation : passer de l’encre à l’écran !
Alors oui, j’assume tout.
Mais vous ne me verrez jamais les fesses à l’air ou autre chose à l’air, avec une bouteille à la main.
Et pourtant, je vous jure que je peux avoir les services du meilleur photographe au monde pour les mettre en valeur… ces bouteilles !
Les derniers billets de Marc Chapleau – celui-la – et de Marc-André Gagnon – celui-la – parlent clairement de Joanie Métivier qui, malgré la régulière couverture des dégustations auxquelles elle participe, prouvant sa bonne volonté professionnelle, ne gomme pas la façon aguichante et dérangeante de faire valoir cette dernière.
D’où la controverse de ces derniers jours…
Dans tous les cas, Joanie Métivier doit avoir la caution et la considération de bien des agences de vins puisqu’elle reçoit régulièrement de leur part, des bouteilles et des invitations à luncher et à voyager avec son conjoint.
Et elle s’est vue récemment offrir la rédaction en chef du magazine Vins & Vignobles, publication de référence dans notre domaine depuis 20 ans, au Québec.
Elle l’a naturellement annoncé sur les réseaux sociaux.
Quelqu’un a donc bien dû lui trouver de la compétence, au-delà de ses courbes dévoilées ! Non ?
Donc, à moins que ce magazine ne se glisse dans les prochains mois, dans le rayon des librairies où l’on place habituellement les revues de la catégorie "Adultes", laissons à la jeune femme le temps et la réflexion pour démontrer sa responsabilité, sa pertinence et sa légitimité à travers cette nouvelle fonction.
Comme la formule le dit : laissons-lui une chance.
Car, en ce qui me concerne, je préfère me convaincre – en fait, je l’espère – que Joanie Métivier traverse seulement sa crise d’adulescence…