La décennie 2010 a vu la catégorie Extra-Brut se multiplier aussi bien sur le marché des mousseux que sur celui du champagne. Pour ce dernier, les grandes maisons ont dû suivre la tendance… Et comme souvent dans le cas d’une offre rapide à une demande insistante, les résultats ont été plus décevants qu’emballants. Cacique et classique de l’appellation, Veuve Clicquot était attendue dans le bain des faibles dosages; elle a curieusement pris son temps pour développer son Extra-Brut… Tout vient t-il à point à qui sait attendre ?

J’ai écrit il n’y a pas si longtemps un article intitulé Snobisme et Extra-Brut qui a provoqué quelques réactions dans le milieu de la restauration et de la sommellerie.  
Je dénonçais alors l’engouement aveugle de certains sommeliers pour des cuvées Extra-Brut ou Zéro Dosage qui, pour la plupart, sont des champagnes ou des mousseux élaborés en tant que Brut et qui, pour des raisons commerciales et de tendances, deviennent des Extra-Brut, alors que leur consistance de base ne permet pas une modeste sucrosité. 
Un bon champagne de la catégorie Extra-Brut doit avoir autant, sinon plus, de chair et d’énergie lorsqu’il est encore au stade de vin de cuvée. La seconde fermentation et le phénomène de l’autolyse ne feront que soutenir, voire exacerber ces deux facteurs. 
Dans le cas d’un Extra-Brut sans année, si l’énergie est apportée par le le vin de base – le plus jeune millésime -, la texture et les saveurs le seront surtout par les vins de réserve.

C’est pourquoi le dernier né de la famille Veuve Clicquot, l’Extra-Brut Extra Old est d’une rare profondeur et d’une exceptionnelle présence. Il répond certes, à la tendance actuelle, cependant, il n’a pas été improvisé. Son architecture a été pensée, ciblée et établie pour durer, pour devenir sans doute, rapidement, un classique sur l’échiquier de plus en plus vaste des champagnes Extra-Brut.

Bien sûr, c’est un vin sophistiqué, à l’assemblage de millésimes impressionnants que seule une grande maison dont les caves sont comme une banque de vieux vins, pouvait créer. 
Car ce sont bien ces vieux vins réunis qui permettent un faible dosage.

Au-delà des crus sélectionnés, voire même des pourcentages des cépages additionnés qui donnent un identité à un champagne, l’Extra-Old de Veuve Clicquot magnifie surtout la notion de vins de réserve à l’instar de la Grande Cuvée de Krug, qui exprime en plus, celle de la futaille. 

L’EBEO de VCP – un acronyme facile à retenir – est à aborder comme un grand vin blanc à part entière. Il faut donc le laisser respirer une fois versé dans le verre (surtout pas une flûte). 
Son effervescence construite comme un Satèn d’appellation Franciacorta, est à la fois suave et persistante. On déguste des chapelets de perles qui tournent en bouche tout en transportant des parfums confits. 
Alors qu’on serait en droit d’attendre un rancio d’évolution sur une telle cuvée, on est séduit par autant de fraîcheur de fruits jaunes et intrigué par les notes de levures de boulanger qui parcourent la dégustation, pour finir même, par des accents iodés. 
Ce sont là finalement des pointillés aromatiques très champenois qu’il faut découvrir à table, sur des ris de veau grillés, des cailles aux petits oignons caramélisés, une quenelle de brochet sauce Nantua ou une sole meunière.
Dans tous les cas de sa consommation, l’EBEO reste un champagne soigné, solide et charnel, un extra-brut réussi qui fait aimer les extra-bruts.

La bouteille dégustée a été dégorgée en juin 2016

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