Lorsque Philippe Baijot prend la direction de la marque Lanson en 2006, il hérite d’un hectare de vignes situé au centre de Reims, entre quatre murs, qui jusqu’alors servait les assemblages des cuvées de la maison. Pourquoi ne pas en faire un clos puisque le cadastre le répertorie et que les cuvées confidentielles sont en demande ? Dix ans plus tard le Clos Lanson s’invite sur le marché des étiquettes de prestige, celui des flacons rares et convoités…
Commentaire de la cuvée Clos Lanson 2006 – Brut (dégusté en 2016)
Particulièrement expressive au premier nez, elle déroute d’abord par des notes fumées marquées, des accents de feu de cheminée, puis de tisons froids qui occultent le fruité.
Bref, je suis déconcerté et je l’avoue, un peu déçu, car face à une telle étiquette, les attentes sont toujours élevées…
Ne dégustant pas à l’aveugle, je sais que je suis influencé, que je suis déjà conditionné par le cérémonial commercial qui entoure ce vin.
J’attends. Justement, je patiente parce que je sais que je suis davantage en présence d’un vin blanc champagnisé plutôt que d’un champagne « à cocktail ».
Il doit s’ouvrir, il doit s’offrir.
J’ai bien lu sa fiche technique, je sais qu’il a été élevé environ 7 mois en fût de chêne d’Argonne. C’est un petit citadin qui a grandit au coeur de Reims; un vrai Rémois qu’on a fait courir dans la forêt régionale.
J’attends donc ce Blanc de Blancs à peine dosé dont on me précise qu’il n’a pas fait de malolactique – comme on dit – et forcément, lorsqu’on vous a présenté le chemin qui l’a mené à vous, on se fait une idée de l’état dans lequel il sera.
Du chardonnay boisé qui a dix ans, issu d’une parcelle urbaine, je m’attends à du Chablis gras et opulent, pas du Meursault, mais au moins du Montrachet… effervescent.
Mais il se fait attendre le clos. C’est un ado le clos. Il provoque en jouant l’indifférence, il est maladroit, il veut se faire aimer… Les grands frères de la maison s’échelonnent à côté, je déguste donc les Label et quelques Extra-Âge. En attendant.
Je reviens finalement sur mon verre de Clos Lanson 23 minutes exactement, montre en main, après nos présentations.
Je te tiens l’ado. Le temps t’a eu. L’environnement est ton maître, tu as besoin d’oxygène pour t’exprimer. Comme tous les grands vins finalement, comme tous ceux qui sont passés avant toi.
Ton arrogance aromatique est toujours présente, elle est toutefois maîtrisée désormais.
Tu es un costaud, ta charpente est solide, la lumière champenoise, plus que le soleil, t’a généreusement patiné. T’es le genre qui plaît tout de suite ou qui refoule immédiatement. Ton côté iodé se retrouve davantage dans le caramel salé Breton que dans la coquille d’huître; et là forcément, tu me touches petit con d’ado…
Ce côté minéral et citrique qui enveloppe ta chair dense, grasse, construite de perles fines, c’est ta jeunesse qui parle encore, qui rappelle ton origine.
Reste que tu continues de dérouter, car ton énergie est entremêlée de saveurs asiatiques.
Noir de thé, de champignon et de soja, tu fleures.
Et quand même, tu présentes en finale de la profondeur.
Alors finalement ? Le Clos Lanson 2006 ? C’est comment ?
C’est Tintin et le Lotus Bleu. Un effronté au pays des parfums marginaux et enivrants.