"Vous avez dosé à combien ?" est la question la plus récurrente chez les professionnels du vin (sommeliers et chroniqueurs) face au chef de cave d’un champagne lors d’une dégustation. Une question que le consommateur classique n’a aucune espèce d’idée du sens, mais qui depuis une décennie maintenant, pour une minorité d’éclairés est devenue le "Je vous salue Marie" devant les cuvées qu’on lui présente. Éclairés ? Plutôt snobs, je dirais…

En fait, j’en ai assez. 

J’en ai assez comme la plupart des chefs de cave qui cependant, ne peuvent pas le dire, ne peuvent pas manifester leur agacement devant ces questions qui tournent autour du même sujet: 
le sucre dans le champagne !
Ils ne peuvent pas s’impatienter parce qu’ils ont du champagne à vendre et qu’expliquer la notion de dosage est à la fois long, complexe et glissant sur le chemin du marketing…

"Vous ne faites pas d’extra-brut ?" 
"C’est un peu dosé, non ?"
"Vous ne faites pas des Zéro dosage?"

Mais bon dieu – puisque j’ai commencé avec la Vierge Marie – quand allez-vous comprendre que le champagne a besoin de sucre ! 

C’est justement lui qui supporte les arômes, permet l’équilibre et même l’endurance du vin !

Oui, il existe des magnifiques champagnes très peu ou non dosés, bien construits et bien signés. 
Oui, c’est excellent un Extra-Brut bien positionné à table. 
Cependant, la plupart sont davantage squelettiques et agressifs que ronds et expressifs. La majorité d’entre eux sont des bruts peu dosés, donc des vins qui, à la base, n’ont pas été pensé en tant qu’Extra-Brut. 
Ils sont donc décevants.

Bien sûr qu’il m’arrive aussi de commenter une bouteille en me questionnant sur la sensibilité du dosage, mais cela ne m’obsède pas ! 

Alors, pourquoi j’en ai assez ? 
Parce que si vous proposez une série de 20 champagnes à l’aveugle à des consommateurs profanes – comme à des professionnels de la dégustation d’ailleurs -, vous constaterez qu’il y a davantage de champagnes Brut que de champagnes Extra-Brut ou Zéro Dosage, qui sortiront dans le Top 5.

Un sommelier me conseillait encore il y a deux semaines dans un resto: " Vous connaissez l’Extra-Brut de Francis Boulard, c’est superbe. C’est tendu, c’est très naturel, ça fait très champenois."

Ça fait très champenois ! Au secours ! Même le Francis, il n’aimerait pas qu’on conseille son vin ainsi…

16/20 dans mon dernier livre, "Les Murgiers" de F. Boulard. Alors oui je l’aime beaucoup le champagne de Francis Boulard. Sauf que sur l’assiette de ris de veau grillés au beurre blond que j’ai commandée, il passera mal son Blanc de Noirs.

Un champagne au contraire, de catégorie Brut bien sentie, voire au léger rancio développé, aurait été meilleur.
Et si tu veux me vendre du Boulard, offre-moi plutôt sa "Petraea". Là, mes ris de veau seront bien accompagnés.

Mais d’où viennent vos élucubrations sur le dosage des champagnes Mesdames et Messieurs les sommeliers (ères) ?
Vous a-t-on enseigné cela en école d’hôtellerie ? 
La tendance dans la profession est-elle si lourde qu’il faille l’imposer à votre clientèle ?
La profession a encore cette image d’auto-suffisance; alors imaginez le snobisme que vous dégagez quand vous parlez de Zéro Dosage, de Brut Nature ou d’Extra-Brut !! 
C’est du chinois pour 90 % de vos clients !

Ne leur parlez pas de sucre, mais plutôt de parfums et de comportement. 

Ne leur dites surtout pas qu’il vont sentir ou goûter le yuzu, la mine de crayon ou la craie ! Ou la Champagne ! 
Vous en connaissez beaucoup vous, des clients qui ont léché un tableau noir pour connaître la saveur de la craie !?

Le champagne a déjà l’image du snobisme face à l’océan du vin tranquille et même de la mer des vins mousseux; alors, s’il vous plaît, défendez-le simplement en parlant de vin blanc, de célébration et d’harmonie facile. 

N’allez pas prétendre ce qu’est la véritable saveur du champagne parce que la véritable saveur du champagne, c’est avant tout celle du plaisir et de l’étonnement. 

Pas celle du sans sucre ajouté systématisé.

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