En 30 ans, la production mondiale de vin effervescent – toute méthode d’élaboration confondue – a augmenté de 40 % ! La plus phénoménale croissance est celle du Prosecco (DOC et DOCG) qui est passée de 30 millions de bouteilles en 1990 à 600 millions de bouteilles aujourd’hui ! Du jamais vu dans l’histoire mondiale du vin. Les appellations champagne, cava, prosecco et crémant sont les plus renommées. Leurs ventes assemblées représentent 1,2 milliard de bouteilles ! Les Sekt d’Allemagne, les mousseux d’appellations italiennes diverses et les mousseux russes, ukrainiens ou brésiliens, surtout connus localement, chez eux, culminent à 400 millions de bouteilles vendues annuellement. Et puis, il y a les autres bulles, celles qui n’ont pas de terroir bien défini; seulement une méthode d’élaboration : elles forment près de la moitié de la production totale de bulles dans le monde ! C’est énorme ! Alors, qu’est-ce qui peut expliquer cet engouement pour les bulles ? Deux évènements politiques majeurs. Deux évènements au cours des trente dernières années qui ont provoqué la frénésie mondiale pour les bulles !

Cette frénésie représente aujourd’hui 2,5 milliards de bouteilles de vins effervescents vendues !

Le premier évènement était prévisible, voire attendu. Ses effets économiques avaient presque été calculés en amont, donc ils pouvaient être contrôlés. Ils l’ont globalement été.
Personne n’a vu arriver le second évènement. Ses effets économiques n’avaient pas été envisagés. On les subit encore aujourd’hui.

Le premier évènement est la chute du mur de Berlin en 1989 causant la dislocation du bloc de l’Est. Les 250 millions de consommateurs confinés derrière le rideau de fer pendant 30 ans, ont décidé que leur libération progressive passerait par les bulles !

Le second évènement est l’ouverture à l’économie des marchés de la Chine populaire. En adhérant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, après 15 ans de négociations et de réformes économiques internes, la République populaire de Chine allait faire sauter les bouchons !
Freinés, rationnés et frustrés dans leur mode de consommation par des systèmes politiques despotiques et communistes, des dizaines de millions de consommateurs ont voulu vivre comme ceux des systèmes occidentaux capitalistes.

L’Est a copié l’Ouest. Frénétiquement.

La demande de bulles a alors dépassé son offre.
Ces deux évènements ont amorcé un besoin et les trois grands pays viticoles d’alors (France, Italie, Espagne) ont dû y répondre les premiers. Ils en avaient le potentiel agricole, toutefois, l’aspect administratif véhiculé par des valeurs marquées, c’est-à-dire le système des appellations, a rapidement montrer ses limites. À l’exception de la Vénétie qui esquissait alors le cahier des charges du prosecco, la Champagne et la Catalogne étaient aux portes de mésaventures économiques et identitaires.
L’histoire a été opportune au prosecco.
La conquête de l’Est par les Marnais et les Ibères a été timide. Les nouveaux consommateurs slaves et asiatiques ont dû se tourner vers leur propre production, qu’intensément ils ont accrue.

5 %, c’est l’augmentation de la consommation de vins effervescents dans le monde en 15 ans, de 2005 à 2020.
Les vins effervescents (champagnes et mousseux) représentent aujourd’hui 8 % de la consommation globale des vins dans le monde.
Si l’Allemagne est le premier pays consommateur de bulles avec 3,3 millions d’hectolitres (1/6e de la consommation mondiale), c’est la Russie qui surprend en venant se placer au deuxième rang des pays consommateurs avec 2,42 millions d’hectolitres, elle qui n’était même pas dans le Top 10 il y a seulement 20 ans.
Les États-Unis d’Amérique sont troisième avec 1,9 millions d’hectolitres, tandis que la France se place au quatrième rang avec 1,8 millions d’hectolitres dont 90 % est issu de son propre terroir (champagne, crémant, etc).
La France est passé au deuxième rang des producteurs de vins effervescents dans le monde (550 millions de bouteilles), assez loin désormais derrière l’Italie qui, grâce au Prosecco, frôle les 800 millions de bouteilles (600 millions de prosecco DOC et DOCG) !

DOCG Prosseco Superiore Bouteille du Consorzio

Pourquoi cet engouement pour des bulles ?
Parce qu’elles représentent la fête, l’évacuation des soucis et le partage.
Aucun autre vin tranquille dans le monde n’a le même effet qu’un bouchon « de champagne » qui saute.
Et sur une planète qui, depuis 30 ans, accumule les crises économiques, les conflits sociaux et les soucis existentiels dont les plus touchées sont les classes moyennes, ce sont les cava, prosecco, crémant, sekt et autres suppléants au champagne qui sont devenus l’exutoire effervescent de ces dernières.

Le champagne, bulles des nantis perçues comme un vin de luxe, assumé et ainsi défendu par ses producteurs, a fait des petits qui se sont multipliés.

Des pays comme la Russie, l’Ukraine ou le Brésil dont on ne soupçonnait même pas le potentiel viticole, sont entrés dans le Top 10 des producteurs de bulles à l’aube du 3ème millénaire.

Pendant 150 ans, le champagne a été lié à la prospérité et à la paix. On continue de le boire quand tout va bien, quand tout va mieux. Il célèbre, il ratifie, il souligne, il réconcilie, il pardonne.
Depuis quelques années cependant, ce sont d’autres bulles qu’on fait étinceler aussi, lors d’évènements.
Elles, elles apaisent, elles raniment, elles consolent, elles réconfortent.
Le temps d’un verre…

Depuis 12 mois toutefois, depuis la Covid, les bulles en général ont pris une claque ! Elle n’apaisent plus, ni ne célèbrent : la période n’est pas à la fête.

Partout dans le monde, le champagne, le cava, le sekt, le crémant et même le prosecco sont en perte de croissance nette et préoccupante.

Les eaux-de-vie ont pris le relais, surtout les blanches. Plus dangereuses, plus désinhibantes peut-être, le consommateur oublie la peur ambiante en s’assommant avec elles…

Cependant, la fin de la pandémie, demain, fera forcément renaître espoir et allégresse. Les bulles ont donc des après-demain de renaissance garantie, voire de triomphe !

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