"Vous pourriez de temps en temps nous encourager en parlant de nous…" Combien de fois ai-je entendu cela en croisant des vignerons du Québec ? Je serai le premier à conseiller un vin effervescent local; encore faut-il qu’il nous soit présenté ! L’AQAVBS a organisé cette semaine sa dégustation annuelle de "bulles" : 50 produits du monde entier – disponibles en SAQ – y étaient exposés. Et pour une totale impartialité, j’ai "tout fait à l’aveugle". Quand j’ai eu la liste des produits proposés, il n’y avait que deux flacons de vin du Québec ! Dont un pétillant d’érable !
S’il y a bien un seul produit que vous ne verrez pas ailleurs qu’au Québec, c’est bien cette bouteille.
Du vin d’érable pétillant ! J’entends d’ici le persiflage amical des cousins Français…
Voici donc mon encourageant commentaire, car je vais être franc : nombreux sont les dégustateurs qui m’accompagnaient, qui ont trouvé cette originalité médiocre.
En fait, au premier nez comme on dit, ça sent la sciure de bois, puis la cire de parquet, enfin la tire d’érable… Les méchantes langues diront que c’est comme entrer chez un ébéniste.
J’ai eu beau revenir sur ce pétillant 20 minutes plus tard, l’aération n’avait pas eu l’effet escompté, ça sentait toujours la planche.
Dont acte.
Je vous rappelle que je déguste alors à l’aveugle, je ne sais pas du tout ce que j’ai sous le nez et j’ai une quarantaine d’autres vins effervescents qui ont précédé.
Au-delà de la couleur ambrée, ce premier abordage est donc curieux, mais je ne me dis pas tout de suite que c’est infect ou qu’il y a un défaut.
Non. Je sais alors que je suis devant un produit original, sans doute intéressant, au profil olfactif étrange.
C’est une fois en bouche que je comprends. Je comprends qu’on est ailleurs. Ailleurs que dans le raisin. On est dans le Québec ! Une province qui a le don d’offrir des potions singulières, issues de mélanges, parfois heureux, parfois désastreux.
L’ensemble est sucré sans être sirupeux, les arômes vont du caramel blond au miel en passant – heureusement – par le sirop d’érable. L’effervescence apporte son lot de fraîcheur nécessaire et l’on a, tout au long de la dégustation, cette suspension boisée initiale qui signe finalement la couleur locale.
Un pétillant digeste et original qui, malgré tout, ne peut pas séduire les palais dans ce genre d’exposition. Même bien positionné dans l’ordonnance établie, il ne pouvait qu’être occulté par les champagnes, crémants, cavas et autres bulles présentées.
C’est au début du repas, offert après cette matinée de dégustation, que ce pétillant d’érable a finalement trouvé de l’estime. En tous cas la mienne.
Une entrée de saumon de trois façons préparées nous a été suggérés. Parmi elles, un filet cru, parfaitement laqué au sirop d’érable (bravo en passant à l’École des Métiers de la Restauration et du Tourisme de Montréal qui a conçu le repas).
Je me suis alors souvenu du Domaine Labranche pour aller m’en resservir un verre et faire le test. Bingo! Ce fut harmonieux.
En résumé, ce pétillant d’érable ne conquerra pas toutes les cartes des vins de la restauration québécoise, mais si vous tombez dessus, ne le fuyez pas et découvrez-le sur un plat judicieusement conseillé par le sommelier de l’endroit.