Est-ce que le champagne vieillit bien ? Aussi bien que les vins tranquilles ? Et peut-on le glisser dans notre cellier plusieurs années ? Absolument ! Je dirais même qu’il a un potentiel d’endurance bien plus élevé que certains vins blancs ou rouges, supposément de garde… Mais comme pendant des décennies, la Champagne n’a pas commercialisé son vin comme un vin de garde, mais comme un vin de célébration, personne ne devine l’endurance de ce vin. Et pourtant…

Oui, le champagne et les mousseux de certaines appellations se gardent. 
Ils se conservent en cellier et se bonifient aussi bien que les vins tranquilles. 
Cependant, comme les vins effervescents ont toujours été commercialisés comme des vins de célébrations, des vins à consommer dès leur achat – qu’il soit de Champagne ou d’une belle appellation de bulles – aucune marque n’a véhiculé leur potentiel de garde.

Bien sûr, des nuances sont à apporter. Et comme avec les vins tranquilles, tous les effervescents ne peuvent se conserver avantageusement. 

En outre, si tous les vins effervescents sont prêts à boire dès leur commercialisation, certains gagnent à être attendus un certain temps selon les caractéristiques gustatives aspirées. 
Les cuvées issues d’un seul millésime, de prestige ou non, ont généralement des potentiels de garde de plus de 20 ans. 

Celles de Champagne vont évoluer comme un grand vin de Bourgogne blanc tandis que les mousseux d’appellation évolueront comme un vin blanc donné, dont le point commun sera le cépage ou l’assemblage des cépages.

Certaines grandes maisons de champagne véhiculent d’ailleurs, actuellement, cette réalité… ce potentiel de garde.
Alors que pendant des décennies, elles se sont attachées à vendre leurs cuvées pour être consommées de façon frivole, lors de réceptions et de fêtes où l’on tend son verre sans demander ce qu’on y verse, elles prônent aujourd’hui que le champagne est avant tout un vin blanc à part entière dont les paliers d’évolution gustative s’accordent adéquatement à table, sur des mets précis et travaillés. 

Et pour mieux démontrer les effets agréables du temps sur le champagne, certaines maisons mettent en marché de vieux millésimes, tardivement dégorgés.  
Moet & Chandon propose depuis 10 ans ses vieux millésimes dégorgés quelques mois avant leur commercialisation, Veuve Clicquot a sa gamme de Cave Privée, De Telmont se fait connaître avec sa collection Héritage, Lanson offre ses "Vintage Collection" dégorgés à la demande depuis plus de 30 ans et ses Extra-Âge font le bonheur des amateurs. 
Quant aux Plénitudes de Dom Pérignon, elles sont les ambassadrices de cette évidence. 

Toutefois, ses cuvées restent rares et dispendieuses. 
Et puis, il y a une nuance à apporter : elles ont attendue en cave champenoise avant leur dégorgement tardif. Elles ont donc attendue en tant que vin blanc en phase de champagnisation. Ce sont des vins qui sont prêts à boire pratiquement juste après leur dégorgement.

Les Brut Sans Année, ces cuvées qui composent 90 % de la production et qui passent 15 à 40 mois sur lattes avant leur dégorgement et leur commercialisation, sont aussi à découvrir comme des vins de garde, de moyenne garde certes.
Ce sont elles qu’il faut oser glisser une dizaine d’années dans nos celliers personnels pour mieux apprécier leur comportement et leurs saveurs d’évolution. 

Faites l’essai chez vous: acheter le BSA de votre maison préférée et oubliez-le au moins 8 ans. Vous le retrouverez arrondi par le temps et ce dernier lui aura transmis des arômes insoupçonnables à travers des bulles, certes moins vibrantes que dans leur jeunesse, mais tout aussi persistantes, si la qualité initiale était là.

Bref, même non issue d’un millésime ou d’une particularité qui en fait une cuvée spéciale, une bouteille de champagne a une endurance remarquable.

Dernièrement, j’ai eu le plaisir d’ouvrir la Cuvée des Millénaires Blanc de Blancs 1995 de Charles Heidsieck. 
Plusieurs fois dégustée, elle restera parmi mes plus grands souvenirs de dégustation de champagnes et je considère que cette cuvée est parmi les meilleures de la décennie 1990 de la région. 
Mais pourquoi cette ultime cuvée m’a encore ému ? 
Simplement parce que ce vin a été commercialisé à différents stades de dégorgement au cours des vingt dernières années, afin d’offrir au consommateur une fraîcheur contrôlée et un plaisir précis.
Et il se trouve que la bouteille consommée fut l’une de la première commercialisation (l’habillage de la bouteille a d’ailleurs changé au cours des années). 
Elle a donc attendue, déjà dégorgée, dosée et définitivement bouchée, dans mon propre cellier pendant 18 ans. 
On aurait pu s’attendre à un champagne fatigué, aux bulles éteintes et au rancio marqué. Or, ce Blanc des Millénaires 1995 a été à la hauteur des meilleurs Corton-Charlemagne ! Et le plus surprenant aura été son effervescence, toujours vive et étonnamment perdurante.

Le champagne est un immense vin de garde.

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