Elles sont apparues au début des années 2010 : des bouteilles enveloppées de blancs, parées de motifs dorés ou de couleurs tape-à-l’oeil. Lanson en fut l’initiatrice, "la grande maison" l’élève modèle qui dépassa le maître, leur succès a rapidement attisé la concurrence en Champagne et dans les autres régions de bulles. Retour sur une tendance où la qualité côtoie désormais la médiocrité, même à gros renfort de belles paroles promotionnelles…
Elles sont belles, voyantes et attirantes, de blanc immaculé vêtues, mais comme le dit l’adage: l’habit ne fait pas le moine.
La Grande Maison a créé sa cuvée Ice Impérial en 2010 pour être lancée progressivement sur les marchés. D’abord confidentielle et seulement positionnée dans les bars et les boîtes de nuit, son succès a fait le reste… La stratégie Moët-Hennessy a fonctionné, les bouteilles blanches ont ensuite envahi les rayons marchands de monsieur et madame tout le monde. Et comme toujours, la locomotive Moët a aiguisé la concurrence. Les wagons depuis, ne finissent plus de s’accrocher derrière elle.
D’autres marques de champagnes sont entrées dans la danse, puis les cavas, les proseccos et toutes les autres catégories de mousseux dans le monde, d’appellation ou non, déjà médiocres ou non.
Des noms ? En voici dans le désordre.
Lanson (discret précurseur en 2009), Nicolas Feuillatte, Pol Rémy, Bestheim, François Montand, Depréville, Frexeinet, Calvet, Gran Castillo, Veuve du Vernay, Blanc Foussy, Black Tower, Brut d’argent, Canti, Kriter, Listel, Marquis de la Tour, etc.
Il y en a des dizaines d’autres.
Tous ont leur cuvée Ice enveloppée de blanc, la plupart ont déjà sorti leur Ice Rosé, enveloppée elle, de rose comme il se doit.
Bref, les bulles surfent sur la glace…
Et la glace elle, c’est à dire les glaçons qu’on nous invite à déposer dans le fond du verre pour mieux "apprécier" la qualité du vin effervescent, les glaçons eux, ben… ils sont bons.
Normal.
De la flotte en cube, en général, cela n’a que le goût de l’eau, donc encore heureux que la glace soit bonne !!
Mais le vin ? Vous savez, celui qui existe avant les bulles ? Il est comment le vin ?
Aujourd’hui il est juste sanitairement bon. Le marketing qui l’entoure a beau nous vendre ses origines, ses cépages ou son assemblage, il reste qu’on ne nous vend pas du vin, mais des bulles sur glace.
Je ne vais pas commenter les recettes que chaque marque a développées pour le cocktail avec son Ice, car c’est exaspérant.
C’est exaspérant parce qu’on prend le consommateur pour un con. Un con qui doit gober que c’est en ajoutant de l’eau gelée dans son champagne ou son mousseux, qu’il sera bien meilleur.
Doublement con d’ailleurs parce qu’il doit ensuite apprécier la grande qualité du vin qu’on a additionné de morceaux ou de jus de fruits.
Le terroir est très très loin. Disparu le terroir. L’AOC s’est noyée dans les glaçons fondus de l’excellent cocktail.
Car oui le cocktail est bon, mais je m’adresse ici aux directions des ventes de toutes les marques de bulles dans le monde : "pouvez-vous cesser d’enseigner à vos représentants commerciaux à dire des inepties pour mieux vendre votre cuvée Ice ?"
Parce que, que vos bulles soient dosées à 20 grammes, 30 grammes ou à 45 grammes (de sucre), ne croyez-vous pas qu’avec les jus, les fruits, voire un autre alcool, ajoutés dans le même verre, c’est bel et bien le sucre qui domine !!
La glace permet en fait de liquéfier l’ensemble et de le rendre bon ou délicieux selon les goûts, et fidèle à la "recette particulière que vous avez mis des mois à concevoir exprès", d’après les belles paroles du parfait représentant qui a appris sa leçon.
Les cuvées Ice – qu’elles soient à 80 $ parce que le client veut une marque de champagne, ou à 20 $ parce qu’il s’en fiche – sont des bouteilles très rentables pour le barman parce que dans notre verre à cocktail, il y a un tiers de glace, un tiers de bulles et un tiers de jus.
Globalement, on pourra faire 15 verres avec une bouteille !
L’idée du Ice est tout simplement géniale, car il y a derrière les cocktails qu’il alimente, un profit confortable : on les paye plus cher que les autres cocktails alors qu’ils présentent plus d’eau dans leur mélange.
Bref, remplissez-vous les poches et vendez-nous le plaisir d’un cocktail original qui désaltère, mais arrêtez de nous vendre une AOC !!
L’AOC, vous l’avez congelée avec vos cuvées Ice.