Morbleu est le nom donné à cet assemblage d’eaux-de-vie de jus de canne à sucre de la Barbade et de Trinidad. Dégustée avec des rhums de différentes origines, cette cuvée fabriquée au Québec par l’entreprise Mariana m’a décontenancé, car elle n’a absolument rien à voir avec un rhum, même épicé. Toutefois, elle est particulièrement réussie et délicieuse à boire. D’où le problème soulevé de la nature d’un produit, de son identité déposée et de son marketing…
Cet alcool affiche une identité de rhum parce qu’il s’agit d’assemblage de rhums blancs et pailles aromatisés d’épices. Les rhums épicés sont de plus en plus fréquents sur le marché.
Généralement ambrés, ils ont tous la particularité de s’orienter, au niveau aromatique, vers une caramélisation poivrée, parfois piquante, parfois torréfiée, souvent sucrée.
Ce qui surprend avec le Morbleu, c’est le fait qu’il exhale essentiellement des notes de fenouil, de chlorophylle, de camphre et de romarin.
On est persuadé d’être en présence d’une aquavit scandinave, d’une liqueur de plantes Suisses, de Bénédictine ou de Chartreuse, lorsque dégusté à l’aveugle. Et le comportement en bouche le confirme, tellement l’aspect herbacé occulte la sensation de jus de canne qui signe les rhums traditionnels.
Bref, c’est une excellente eau-de-vie de canne à sucre aromatisée, mais dans la cour des rhums, même épicés, elle va dérouter plus d’un consommateurs.
Seule l’attaque citronnée et la pureté dans le comportement en bouche peuvent rappeler quelques rhums blancs iodés. La finale s’étire longuement et laisse le souvenir d’un bel équilibre des "épices" sélectionnées, mais les saveurs du pur jus de canne sont occultées tout au long de la dégustation.
Et c’est peut-être là que je dois soulever un point davantage commercial : autant l’amateur de rhum ou de rhum épicé pourra savourer un verre de Morbleu, tout en étant surpris par sa nature; autant un consommateur qui n’aime ni le rhum, ni le rhum épicé, mais qui pourrait apprécier les alcools d’herbes, de fleurs et de plantes, ne se dirigera pas vers une bouteille de Morbleu, parce qu’elle affiche le terme Rhum.
Ce consommateur perdant ainsi l’occasion de déguster un produit de belle qualité, fait au Québec, parfumé et délicat à souhait.