Ou comment créer un modeste battage médiatique par le mépris et l’interprétation de propos.
Suite à l’article de M Ludovic Hirtzmann pour Le Figaro.fr (Champagne au Canada : un parfum de prohibition), de nombreux échanges électroniques (facebook, twitter, etc) me sont parvenus m’invitant à préciser ce que j’aurais dit à ce journaliste, invité lors de l’une des soirées que j’ai animée au Beaver Club de Montréal sur le thème du champagne en novembre 2012.
Dans un premier temps, je dois préciser que nous avions créé ces Mardis Pétillants dans le but de démocratiser le Champagne qui, quoi qu’en pensent certains au Québec et en France, se fait plus varié (choix des marques ou des récoltants) et moins dispendieux depuis 5 ans sur les tablettes du monopole québécois parce que justement, le marché mondial, et du champagne, et des mousseux est en croissance.
Dans un deuxième temps, je souligne qu’écrivant moi-même des articles pour la presse, je comprends fort bien la frustration du chroniqueur qui doit écourter ses lignes, raboter sa pensée, vulgariser sa syntaxe ou pire, voir son article maladroitement tronqué par la rédaction en chef pour des raisons de disponibilité d’espace sur le papier, nécessaire à la publicité nourricière. J’imagine donc facilement ces contraintes imposées à M Ludovic Hirtzmann lorsqu’il a écrit cet article.
Du moins, je lui souhaite ! Parce que s’il n’a pas rencontré ce frein rédactionnel, il signe à travers ses lignes une dégradation de son travail.
Mal rapportés mes propos ? Forcément. On ne résume pas un échange verbal de 2 h assez pointu, toutefois distrayant, en 60 lignes. Comme à chacune de ces soirées « pétillantes » donc, je les justifie devant les clients (jamais plus de 15, tel est le concept) en disant qu’effectivement les consommateurs québécois connaissent mal le champagne et que c’est bien pour cela qu’on a lancé les mardis pétillants. La formule fonctionne, elle prouve qu’il y a une attente, voire un besoin. Cette clientèle me semble ravie de ces 6 à 8 pétulants, conviviaux, absolument pas guindés.
Est-ce une réussite ? Ma foi oui puisqu’il y a des fidèles et des nouvelles têtes chaque mardi. Les mardis pétillants devaient s’arrêter en mai 2013, il y en aura jusqu’en décembre 2013 ! Et le projet de faire un tour du monde des bulles est prévu…
Alors oui, le champagne peut être popularisé malgré son coût et surtout, malgré la clientèle convoitée ou déjà convaincue, qu’elle que soit sa silhouette ou son rang social.
Parce qu’il est là le propos indigne et méprisant de Ludovic Hirtzmann. Quelle désolation de lire des facilités condescendantes envers ma clientèle qui a le droit de s’habiller et d’apparaître comme elle le veut, qui a le droit de ne pas connaître le champagne et qui a le droit de poser des questions naïves. Elle s’est déplacée pour cela! Pour s’amuser et obtenir des réponses en se distrayant !
Les mardis pétillants véhiculent l’aura du champagne; je répète chaque soir la puissance du mot champagne qui est utilisé à tort et à travers dans le monde entier pour mieux valoriser un mousseux banal, une savonnette, un shampoing et même des croquettes pour chien! Le CIVC investit des millions chaque année pour défendre le terme.
« Tiens, j’ai apporté du champagne » vous dit-on, alors que la bouteille tendue est un prosecco, un asti ou un cava. Qui n’a pas connu cette situation au Québec ? C’est aussi pour cela que les mardis pétillants existent, pour mieux distinguer l’univers des bulles. Sans mépris des appellations. Sans mépris du consommateur.
On parle cuvées, maisons, styles, cépages, crus, bulles, effervescence dans la simplicité et la détente; je conte l’histoire et les anecdotes qui ont créé le champagne parce que c’est comme cela qu’il se démocratise ici, au Québec.
Des échanges sur Facebook, l’article en a créés, allez vérifier.
J’en retiens quoi ?
Le plus amusant finalement et une analyse qui m’appartient: les Québécois, selon moi, sont bien plus connaisseurs en matière de vin que les Français, justement grâce au monopole et à la diversité de vins qu’il propose. Les Québécois – même si elles sont modestes – ont davantage de connaissances sur les mousseux du monde entier que le consommateur français ne pourra jamais en avoir. Pourquoi ? Parce que 85 % des vins proposés en France est français. Au Québec ? Plus de 35 pays référencés sur tout le territoire. Les Québécois vont-ils le crier sur tous les toits ? Non. Ils goûtent, ils apprécient, ils testent, ils posent des questions, ils s’interrogent, sans arrogance, dans l’humilité et la joie de découvrir et de partager.
On ne connaît pas le vin parce qu’on naît Français ! Pourtant combien de Français en sont persuadés. Parlez-en aux vignerons de l’hexagone, ils sont les premiers témoins d’autant de vanité. Depuis plus de 18 ans que je vis au Québec, il n ‘y a pas eu une seule rencontre avec un vigneron français en visite à Montréal qui ne m’a pas parlé de la simplicité et de la gentillesse des Québécois et toujours, – toujours ! – son étonnement sur la connaissance non étalée du vin. Les vignerons italiens et espagnols me disent la même chose. Mais c’est un autre débat. Il doit y avoir un syndrome latin! Et Ludovic Hirztmann a dû être touché par ce dernier, le temps seulement, je l’espère, de la rédaction de ses lignes.
Bref, l’article du Figaro n’est qu’une tempête dans un verre d’eau ou plutôt, un orage dans un verre de champagne.
Je me devais toutefois de rectifier le tir… parce qu’il a failli m’atteindre.
20 mars 2013