Parmesan, vinaigre balsamique, mortadelle, salami sont des termes aujourd’hui devenus communs, qu’on emploie pour signifier du fromage, du vinaigre ou une charcuterie. Pourtant, derrière chacun d’eux, il y a une véritable identité, une vraie notion de terroir dont le succès a dépassé les frontières de l’Italie, au point qu’ils sont copiés, mais heureusement, jamais égalés.
Ces produits ont un point commun, ils viennent tous d’Émilie-Romagne, la région « garde-manger » italienne, par excellence, dont les vins curieusement, à part peut-être le Lambrusco, sont encore méconnus.
Certes, le vin blanc Albana di Romagna a ses lettres de noblesse DOCG, comme le récent Colli Bolognesi Pignoletto; pourtant, qui connaît son sangiovese, son refosco, son trebbiano ou son bombino ? Les vins d’Émilie-Romagne sont souvent occultés par ceux des régions viticoles voisines, toutefois, un vent de renouveau souffle actuellement entre Piacenza et Rimini, sur la route des vins la plus ancienne du monde, la Via Aemilia…
Bologne, Modène, Reggio d’Émilie, Parme : 2000 ans d’histoire culinaire.
Prenez une carte de l’Italie, tirez une droite depuis la ville de Plaisance jusque celle de Rimini et vous aurez traversé l’Émilie-Romagne, une région curieusement méconnue du grand public qui, lorsqu’il voyage, sélectionne plutôt d’autres coins du bel paese.
Il préfère aller en Toscane ou en Vénétie, évidemment attractive, toutefois, même dans ces régions, les mets qu’on y découvre à table viennent le plus souvent de la voisine émilienne, de ses artisans de Bologne, de Modène, de Reggio d’Émilie et de Parme, quatre villes qui, à elles seules, peuvent vous satisfaire de l’apéritif jusqu’au dessert !
Quatre villes qui déjà, il y a 2000 ans, illustraient la route de la gastronomie !
La fameuse Via Aemilia, la voie qui les traverse, fut construite sous la direction du consul Marcus Aemilius Lepidus au 2ème siècle avant JC. C’est elle qui donnera son nom à la région, Émilia-Romagna.
Et déjà à cette époque, les viandes, le lait et les cépages qu’on transformait, étaient issus du même terroir qu’on exploite aujourd’hui.
Parmigiano Reggiano DOP, les lingots d’or d’Émilie-Romagne.
Ce ne sont pas des caves, ce sont des coffres de banques !
Et comme pour les banques, on y pénètre sur rendez-vous seulement. Ce ne sont pas des liasses de billets qui s’entassent, ce sont des milliers de meules de fromage Parmesan qui se superposent sur des clayettes, adaptées à leur poids.
C’est une vision unique au monde : des banques de Parmesan ! DOP fromagère, c’est à dire appellation européenne déposée et protégée, on peut tout savoir sur elle en cliquant ici.
Aceto Balsamico di Modena IGP, l’or noir d’Émilie-Romagne.
Les plus anciens vinaigres balsamiques dorment dans de petits fûts depuis plus d’un siècle !
La renommée de ce vinaigre est telle qu’on a dû créer deux appellations pour distinguer ses qualités et surtout, pour répondre aux demandes des consommateurs.
Tout est expliqué ici en 3 minutes : le vinaigre balsamique de Modène.
L’Aceto Balsamico di Modena est une vraie liqueur entièrement naturelle, créée par le temps, issue des raisins d’Émilie-Romagne. On distingue l’Aceto Balsamico di Modena IGP et en Aceto Balsamico Tradizionale di Modena DOC.
Ces 3 lettres qui suivent son identité sont déterminantes.
En IGP, le vinaigre est commercialisé dans des bouteilles de 250 ml ou plus, il est élaboré avec 20 % minimum de vin cuit, additionné à un vinaigre traditionnel qui a vieilli au mois 60 jours.
En DOC, le vinaigre est uniquement commercialisé en flacon de 100 ml, il est élaboré à partir 100 % de vin cuit en chaudron à ciel ouvert, puis il est vieilli au minimum pendant 12 ans. S’il porte la mention Extra Vecchio, son vieillissement minimal en fût est de 25 années.
Certains flacons recèlent d’assemblages de vinaigres pouvant dater du milieu du 19ème siècle ! Une fois dans votre vie, goûtez un extra vecchio, vous remonterez le temps grâce à vos papilles.
Prosciutto di Parma ou di Modena DOP, Mortadella Bologna IGP et Salumi Piacentini DOP : le bon gras d’Émilie-Romagne.
Que vous soyez à Los Angelès, à Tokyo ou à Sydney, si vous prononcez le mot prosciutto, votre interlocuteur saura immédiatement de quoi vous parlez et surtout, vous le ferez saliver ! Qu’il soit de Parme ou plus méconnu et plus rare aussi, de Modène, les jambons de ces deux villes italiennes sont de véritables ambassadeurs de l’excellence italienne.
Et pourtant, là encore, le consommateur sait rarement qu’il s’agit de produits fins d’Émilie-Romagne. Leurs noms sont devenus comme des marques qui ont occulté leur origine provinciale !
Quant à la Mortadella Bologna IGP ou les trois charcuteries Salumi Piacentini DOC (Coppa, Salame, Pancetta), leur succès a presque effacé leurs identités ! Devenus des noms communs dans la langue française, mortadelle et salami désignent pratiquement toutes les cochonnailles qui ont leurs formes et apparences ! Toutefois, elles ne sont authentiques que lorsqu’elles portent le sceau d’origine protégée !
Lambrusco di Modena DOC, les bulles rouges d’Émilie-Romagne.
Il n’y a pas qu’avec le vin blanc qu’on fait des bulles. Les lambrusci d’Émilie-Romagne en sont la preuve. Ce sont des vins rouges effervescents à base du cépage lambrusco qui se décline en plusieurs variétés. Les meilleurs proviennent de Modena et de Reggio Emilia.
La méthode Martinotti est la plus employée pour les élaborer, toutefois, la méthode ancestrale et la méthode traditionnelle sont autorisées. Pour mieux comprendre la complexité du Lambrusco, cliquez ici.
Albana, pignoletto, bombino, refosco ou sangiovese, des cépages aussi rares que savoureux.
Forcément protégés et fédérés par un Consorzio, les vins d’appellation de cette région, c’est 60 000 ha de vignes dont 35 000 ha déclarées en VQPRD (DOCG + DOC), des rendements pouvant varier de 35 hl/ha à 95hl/ha et 2 DOCG pour 19 DOC.
4 appellations phares sortent du lot : Romagna Albana DOCG, Romagna DOC, Colli d’Imola DOC et Colli di Faenza DOC. Comme la plupart des DOC italiennes, les vins peuvent être déclinés selon leur taux de sucre résiduel et leur texture (tranquille ou effervescent).
C’est parmi 5 DOC qu’on trouve des cépages typés : Romagna Sangiovese DOC (sangiovese à 85 % min), Romagna Trebbiano DOC (trebbiano romagnolo à 85 % min), Romagna Cagnina DOC (refosco à 85%), Romagna Pagadebit DOC (85 % bombino) et Romagna Albana Spumante DOC. Au moins 85 % du cépage mentionné doit être représenté. Leur terroir principal est celui de Bologne et de Rimini.
Première DOCG déclarée de vin blanc italien (1987), le Romagna Albana est une appellation pouvant être vinifiée en vin secco, amabile, dolce, passito, passito riserva, ainsi qu’en spumante. Produit autour de Ravenne, Forli et Bologne, sa surface plantée représente 1150 hectares. Son rendement moyen est de 85 hl/ha lorsqu’élaboré en sec et de 65 hl/ha lorsqu’élaboré en doux.
Enfin, le Colli Bolognesi Pignoletto est sans doute le vin blanc qui représente le réveil de cette région viticole. Reconnu en tant que DOCG en 2014, son cahier des charges évolue constamment depuis (entraînant une certaine confusion) : Colli Bolognesi Pignoletto frizzante; Colli Bolognesi Pignoletto spumante; Colli Bolognesi Pignoletto Superiore et Colli Bolognesi Pignoletto Superiore accompagné de la mention Classico sont les dernières appellations autorisées.
Son terroir confidentiel est celui du sud de Ravenne (150 ha / 25 ha en classico). Le cépage employé est le pignoletto (ou grechetto dans d’autres régions) à 85 % minimum, pouvant être complété de pinot noir et/ou de pinot gris.
Incontournable lorsqu’on visite la région, l’Enoteca Régionale, basée à Dozza : tous les secrets des vins de la région vous y seront contés et proposés en dégustation !
Voici une petite liste de noms de vins attrayants pour mieux connaître l’Émilie-Romagne viticole :
le Romio de Caviro, le Masselina de Terre Cevico, le Bianco Due Querce de Bonelli, le Pignoletto Colli Bolognesi DOCG Superiore de Podere Riosto, le Il Croppi de Sirri & Casadei, le Pagadebit de MGM, le Battista de Pandolfa, le Pignoletto Colli Bolognesi DOCG de Manaresi, le Castelli del Duca Gutturnio de Cantina Valtidone, la Barbera de Bonelli, le Sangiovese Romagna DOC Brisighella Riserva « I Gessi » de C.A.B, le Sangiovese Forlì IGT « Ordelaffo »de Calonga, le Sangiovese Romagna DOC Predappio Notturno de Drei Dona, , le Sangiovese di Romagna Superiore ou Chiara Condello Predappio de Condé, le Annata de Umberto Cesari, le Frederico de Pandolfa ou le Sangiovese Romagna DOP Superiore « Tre Rocche » de Fattoria Nicolucci…
Des accords culinaires pour mieux voyager en Émilie-Romagne
Venturini Baldini est un domaine agricole qui fête cette année ses 45 ans. Entre Parme et Reggio Emilia, il est perché à presque 400 mètres de hauteur et domine 130 hectares qu’exploitaient déjà à la Renaissance, le marquis Fontanelli, le comte Galliani et le comte Ancini, avant de devenir, au XIXe siècle, la résidence du marquis Manodori. Certifiés biologiques, les 30 hectares de vignes offrent un catalogue exemplaire des cépages de la région depuis les Sorbara, Grasparossa et Salamino pour les Lambrusco, jusqu’aux Malvasia di Candia Aromatica, Pinot Noir, Pinot Meunier et Pinot Grigio.
La Cantine Bonelli est une exploitation créée au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Elle est située à l’ouest de la région, en allant vers Piacenza, dans la vallée de Trebbia. On est déjà dans les Apennins, proche de la Ligurie et des montagnes magmatiques, telle que la Pietra Parcellara, où dominent les pâturages. Le site est tout simplement spectaculaire.
L’Ortrugo et la Malvasia di Candia sont les deux cépages autochtones, qui côtoient les plus classiques, barbera , chardonnay, pinot noir et croatina. La culture biologique est suivie depuis plus de 10 ans, certaines parcelles ayant acquis progressivement les certifications officielles.
Chiara Condello est situé près de Forli, sur les collines de Predappio, le berceau historique du cépage Sangiovese. Le domaine est éponyme, c’est à dire qu’il porte le nom de sa jeune propriétaire qui s’est lancée dans l’aventure en 2015, forte d’une éducation tout de même viticole puisque sa famille possède Borgo Conde, le vignoble référence du secteur. Les 5 hectares, bientôt certifiés biologiques, sont dédiés exclusivement au Sangiovese et donnent 2 magnifiques vins disponibles au Québec.
Voici des idées de plats inspirés par l’Émilie-Romagne, accordés avec les vins de ces 3 domaines, disponibles en SAQ.
Bien entendu, le plateau de charcuteries locales avec quelques morceaux de l’incontournable Parmigiano Reggiano DOP, servis en apéritif, sera idéal pour ouvrir l’appétit avec ce mousseux blanc, élaboré avec la malvoisie du pays : Venturini Baldini – Graniers – Colli di Scandiano e di Canossa – 21,55 $
Plus sec et légèrement plus vineux, ce mousseux rosé élaboré avec plusieurs variétés de Lambrusco pourra très bien convenir en dessert avec la traditionnelle Macedonia di Natale, macédoine de fruits secs de Noël qui réunit pêches, prunes, abricots, ananas et figues qu’on mélange avec un peu de vin blanc, d’eau, de zestes d’oranges et de citrons : Venturini Baldini – Cadelvento Reggiano – rosé – 25 $
Ce vin blanc de malvoisie à la sucrosité très légère accompagnera un petit feuilleté farci d’origine locale juive, le Burriche. Liée historiquement à la ville de Ferrare, la communauté a créé ce feuilleté à base de poulet, d’oignons, d’oeufs et de mie de pain. Ce vin, c’est le Cantine Bonelli – Due Querce 2018 – 19,15 $
L’Erbazzone Reggiano est une tourte aux épinards aussi simple que délicieuse, élaborée avec quelques dés des jambons fumés de la région. Le sel qu’ils apportent à la préparation permet un accord avec les vins rouges, s’ils sont légers. Direction donc Barbera 2018 – Cantine Bonelli – Colli Piacentini – 19,05 $
Les pâtes ont certes l’Italie toute entière derrière elles, toutefois, l’Émilie-Romagne et particulièrement les tortellini romagnoli, sont une signature de la région. Garnis de dinde, de parmigiano, de ricotta, d’herbes et d’épices à discrétion, selon les recettes, ils peuvent accompagner un vin rouge si vous les déguster avec une sauce tomates légèrement relevées. Et celui-ci est tout indiqué : Chiara Condello – Romagna 2016 – 24,40 $
Le genre de rouge issu de Sangiovese qui n’a rien à envier de ses voisins du sud plus renommés et qui, malgré un tarif certain, concurrence aisément ceux qui s’affichent à 100 $ et au-delà. À grand vin donc, tel que ce Chiara Condello – Le Luciolle 2015 – Romagna à 66,75 $, un plat de circonstance : le cotechino in galera qui vous régale de boeuf, de chair à saucisses locales et de jambon cuit dont la recette peut certes varier, mais qui trouvera toujours le sourire à table.